Le 26/03/2025
Des experts partagent leurs expériences et perspectives sur les robots viticoles.
Une table ronde avec des représentants de Moët Hennessy et Terrena lors du World FIRA 2025.
Table ronde avec des représentants de Moët Hennessy et Terrena lors du World FIRA 2025
Il y a de nombreux facteurs à prendre en compte lors du choix d’un robot viticole. Le prix, la fonctionnalité et la sécurité sont sans doute les premiers qui viennent à l’esprit, mais il faut aussi considérer le type de sol, la géographie et même l’environnement informatique.
Lors du World FIRA 2025, Christophe Gaviglio de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) a interviewé des représentants de Moët Hennessy et de la coopérative agricole Terrena sur leur processus de sélection des robots viticoles.
Sélection et test des robots viticoles
Interrogé sur les critères de sélection des robots par Terrena, Ludovic Patte, responsable du développement robotique, a cité le prix, la facilité d’utilisation et la polyvalence.
« En tant que coopérative, nous voulions une technologie abordable, qui améliore la rentabilité et prenne en compte les contraintes de temps auxquelles nous faisons tous face », a expliqué Patte. « Nous cherchions aussi un robot polyvalent, qui puisse être utile toute l’année. »
Joseph Malfait, Senior Wine Buyer, Material & Innovation CPL chez Moët Hennessy, a recommandé un processus de décision en deux phases : une phase exploratoire et une phase opérationnelle.
« Lors de la phase exploratoire, le critère clé est la capacité du robot à accomplir une tâche spécifique comme le travail du sol, l’adaptation aux pentes abruptes ou l’application d’un traitement dans un contexte particulier », a précisé Malfait.
« Dans la phase d’évaluation opérationnelle, on se penche sur le fabricant : s’agit-il d’une start-up ou d’une entreprise industrielle ? Il faut aussi prendre en compte ce qui se passe après l’achat, comme le support technique ou la capacité de l’entreprise à créer des cartes de navigation pour le robot », a-t-il ajouté.
Moët Hennessy a testé en tout 18 machines, issues de 9 marques différentes, allant de petits outils simples à des robots plus complexes coûtant plus de 100 000 €. Les essais ont été réalisés sur 140 hectares.
Terrena a également testé plusieurs robots sur des terrains variés, couvrant 15 à 20 hectares au total, dont 5 hectares dans le Muscadet, 5 en Touraine, 5 en Anjou et d’autres parcelles de 2 à 3 hectares avec différentes inclinaisons et types de sols.
« Nous voulions tester les machines dans un maximum de contextes pour évaluer leurs performances dans diverses situations », a expliqué Patte. « Nous avons utilisé des robots pour le travail du sol, le désherbage et avons testé le robot interceps Pellenc RX-20. Nous avons essayé différents outils et accessoires et fait en sorte que les robots soient le plus polyvalents possible. »
Navigation dans le vignoble : défis et opportunités
Les tests menés par Terrena ont montré que les robots étaient efficaces pour l’entretien de routine sur des parcelles planes. En revanche, ils ont rencontré des difficultés sur des sols très humides ou dans des parcelles avec de vieilles vignes et des rangs irréguliers.
L’environnement physique a également eu un impact sur la navigation des robots. Patte a souligné l’importance d’évaluer la réaction d’un robot en cas de perte de signal GPS.
« De grands arbres peuvent créer une zone d’ombre où il n’y a plus de GPS. Un petit robot s’en est bien sorti, mais d’autres n’ont pas réussi à passer d’une parcelle à l’autre, même si elles étaient séparées par seulement quelques mètres ou un simple chemin », a précisé Patte.
Il a suggéré une approche collaborative pour maximiser l’efficacité des robots :
« La nuit, on peut leur confier des parcelles plus faciles. Pendant la journée, quand les employés sont présents, on peut leur donner des environnements plus complexes où les travailleurs peuvent intervenir si nécessaire. C’est comme un collègue : quand il a des difficultés, on l’aide. »
Malfait a souligné que les robots pouvaient aussi aider les travailleurs :
« Une personne expérimentée souffrant de maux de dos peut continuer à travailler. Si quelqu’un sait utiliser un smartphone, il peut piloter un robot. »
Les robots au service de l’agriculture de précision et des stratégies viticoles
Malfait et Patte ont expliqué comment les robots pouvaient aider les viticulteurs à maximiser leur temps et leurs ressources limitées. Patte a noté que passer moins de temps dans les vignes permettait de se concentrer davantage sur le marketing et la commercialisation, tandis que Malfait a mis en avant les opportunités offertes par l’agriculture de précision.
« Avec la robotique, on peut repenser complètement nos pratiques », a expliqué Malfait. « Au lieu d’acheter un tracteur avec une meilleure cabine, les robots offrent une toute nouvelle approche de la gestion du vignoble. Grâce aux capteurs et à la collecte de données, le viticulteur peut optimiser son exploitation et affiner sa gestion du sol, de l’irrigation et même du contrôle des ravageurs. »
Les deux intervenants ont souligné que les viticulteurs devraient adapter leurs parcelles pour faciliter l’intégration des robots. Patte a noté qu’il pourrait être nécessaire d’élargir l’espace entre les rangs pour permettre aux robots de mieux manœuvrer.
Malfait a rappelé que cette transition demandait un changement de mentalité :
« Un robot ne remplace pas un tracteur. Il faut repenser l’ensemble du processus : comment le robot accède aux parcelles, s’il est électrique, comment le recharger et aussi comment former les employés à cette nouvelle technologie. »
Mais selon lui, les avantages valent largement l’investissement :
« Le poids plus léger permet d’entrer plus facilement dans les parcelles, et certains robots articulés peuvent s’adapter à des terrains plus complexes. Ils travaillent plus longtemps et offrent plus d’opportunités d’intervention. »
Regardez la table ronde complète sur les robots viticoles
La vidéo de 28 minutes est disponible en français et en anglais sur la chaîne YouTube du FIRA Forum. D'autres discussions issues du World FIRA 2025 seront publiées en mars et avril 2025.